Hedi Slimane contre Yves Saint-Laurent

 

CA Paris, pôle 5-2, 19 juin 2020, RG n° 18/00305, H. Slimane,. Analytic Project c/ Yves-Saint-Laurent


Dans l’affaire opposant Hedi Slimane à Yves-Saint-Laurent, le styliste et photographe reprochait à la maison pour laquelle il a travaillé de 2012 à 2016 d’utiliser indûment sur le site ysl.com les photographies dont il est l’auteur. Tout en invoquant l’atteinte à ses droits de propriété intellectuelle, il soutient être à l’origine du succès de la maison après avoir contribué toutes ces années à son image de marque. Slimane était en effet le directeur de l’image mais aussi le photographe exclusif de l’intégralité des campagnes Yves-Saint-Laurent. Cependant, l'unique contrat le liant à la société était un contrat de designer qui accessoirement lui reconnaissait la qualité de photographe. 


En première instance, les juges donnaient gain de cause à la marque de luxe. Cependant, la Cour d’appel de Paris jugea que le contrat ne pouvait valoir cession des droits d’auteur du photographe. Les juges  ne manquèrent pas de rappeler à cet effet l’importance de contractualiser le plus précisément possible la cession des droits avec ses directeurs ou collaborateurs artistiques, celle-ci ne pouvant résulter de circonstances ou se déduire d’un faisceau d’indices. Ainsi, l’autorisation d’exploiter des photographies en ligne, à titre d’archives, ne pouvait être implicite.

Selon la société Yves-Saint-Laurent, le problème résidait moins dans la question d’une éventuelle cession de droit et de son étendue mais plus dans la question de la privation d’un patrimoine — qui s’étend de 2012 à 2016 — conservé à titre d’archives dans la partie institutionnelle du site et non dans sa partie commerciale. En effet, les photographies de Slimane n’étaient pas exploitées à des fins de vente mais plutôt dans le dessein de garder une trace de cette période emblématique de la maison YSL.

Cela n’aura pas réussi à convaincre la Cour d’appel qui donna gain de cause à Slimane: l’exploitation d’une œuvre à titre d’archives sur un site internet relève du monopole de l’auteur. Par ailleurs, la liberté de communication ou d’expression ne peut être invoquée par la société Yves-Saint-Laurent, et ce d’autant plus qu’elle ne démontre pas l’impossibilité d’obtenir l’autorisation de M. Slimane de maintenir ses œuvres à titre d'archives sur le site de la marque.

Un pourvoi en cassation est en cours de sorte qu’il conviendra d’attendre la décision de la haute juridiction sur la question. On peut cependant s'attendre à ce que la Cour de cassation ne tranche pas en faveur d'Yves-Saint-Laurent en ce qu'elle se contente de se prononcer sur la correcte application de la loi et non sur le fond de l'affaire. Les arguments de la maison tenant à la conservation d'un patrimoine artistique et emblématique de son histoire seront alors vains.


A.S.R




Crédit: Courtney Love et Marilyn Manson, Campagne publicitaire de la précollection 2013 de la maison YSL par Hedi SLIMANE

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