La titularité des droits des "créateurs-salariés"


La création salariée est au cœur d'un conflit entre deux branches du droit qui reposent sur des notions et des logiques contradictoires. En effet, les notions fondatrices du droit d’auteur et du droit du travail semblent a priori antinomiques.

Tout d’abord, une première incompatibilité réside dans le fait que le droit d’auteur, d’un coté, conditionne son application par la création d’une oeuvre originale définie en droit français comme empreinte de la personnalité de l’auteur ce qui sous entend nécessairement une liberté de création. De l’autre, le contrat de travail se caractérise par l'existence d'un rapport de subordination défini comme « le pouvoir de l'employeur de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » (Cass, soc, 13 nov. 1996, Société Générale).

Outre la liberté de l’auteur qui se heurte à la subordination du salarié, une deuxième incompatibilité relative à la propriété de l’oeuvre s’élève: par l’effet du contrat de travail, l'employeur acquiert la propriété des fruits du travail de ses salariés. Or, le droit d'auteur fait naître le droit de propriété incorporelle sur la tête de l'auteur du seul fait de la création (CPI, art. L. 111-1, al. 1er). Ici, la logique économique travailliste est confrontée à la logique personnaliste du droit d'auteur.

Enfin, le contentieux de la création salariée est éclaté entre la compétence exclusive du tribunal de grande instance en matière de propriété littéraire et artistique (aujourd’hui Tribunal judiciaire) et celle du conseil des prud'hommes en matière de contrat de travail.

Mais quelles dispositions appliquer? Aux termes de l'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle : « l'existence ou la conclusion d'un contrat de louage [...] de service par l'auteur d'une œuvre de l'esprit n'emporte pas dérogation à la jouissance du droit de l’auteur ». Comme il n'existe pas de régime juridique autonome de la création salariée, il faut composer avec les dispositions de droit commun afin de tisser le lien entre le droit d'auteur et le droit du travail.

Le salarié reste-t-il titulaire des droits d’auteurs sur sa création comme le veut l’approche personnaliste du droit de la propriété intellectuelle ou au contraire, l’employeur garde-t-il le monopole d’exploitation sur l’oeuvre qui a été faite au sein de son entreprise, sous sa subordination ? En d’autres termes, quel est le sort réservé aux droits portant sur les oeuvres dans la mode où l’art et l’industrie sont indissolublement mêlés?

I- La nécessité d'une cession des droits d'exploitation à l'employeur


    A) Le principe de titularité initiale des droits d'auteur sur la tête du salarié


Aux termes du premier article du Code de la propriété intellectuelle, les droits d'auteur naissent sur la tête du salarié. Par conséquent, pour exploiter la création salariée, l'employeur doit nécessairement obtenir la cession des droits d'exploitation de l'œuvre dans les formes prescrites par le même Code.

Il existe dont un principe de titularité initiale en vertu de l’article L111-1 qui constitue
la pierre angulaire de la philosophie du droit d'auteur : quels que soient les modalités et le contexte de la création, l'auteur est investi ab initio des droits de propriété incorporelle. En d’autres termes, l’acte de création constitue l'unique modalité qui confère à l'auteur la jouissance de son droit. La qualité de salarié est indifférente et selon le professeur CARON « l'auteur salarié est donc un auteur comme un autre ». (Ch. Caron, « L'adaptation du droit d'auteur de la création salariée à l’entreprise », Legicom 2003-1, n° 29, p. 14)

La conséquence de ce principe n'est autre que la nécessité d'une cession expresse posée à l’article L131-3 du Code de la propriété intellectuelle: « la transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ».

Les conditions de validité
de la cession posées à l’article précité sont prévues à peine de nullité c’est-à-dire qu’en cas de non respect des formalités, l’acte d’exploitation de l’employeur constitue une contrefaçon. En ce sens, la Cour de cassation a jugé que constitue une contrefaçon le dépôt à titre de marque par un employeur d'une œuvre créée par un salarié au motif « qu'il n'a pas été précisé lors de la cession que ce dessin pouvait être déposé à titre de marque ». De même, une cession « en France » ne vaut pas  une cession dans toute l’Europe malgré des clauses contractuelles de cession valant « dans le monde entier » ou même dans « l’univers » qui se rencontrent parfois en pratique. Par ailleurs, il convient de préciser que le salaire ne constitue pas la rémunération de l'exploitation des droits de l'auteur salarié: ce dernier doit également bénéficier d'une rémunération propre à la cession de ses droits.

Grâce à cette disposition, les employeurs ne peuvent plus « s’abriter » derrière la notion de cession implicite : les formalités de la cession y font obstacle, et par ailleurs, on ne peut déduire de la seule existence d’un contrat une quelconque volonté implicite du salarié de céder par avance ses droits sur ses créations. 


    B) La limite
de la prohibition de la cession globale des oeuvres futures

Par principe et selon l’article L131-1 du Code de la propriété intellectuelle, « la cession globale des œuvres futures est nulle ». Si l'interprétation doctrinale de ce texte diverge selon les auteurs, la doctrine majoritaire rejettent l'interprétation littérale
selon laquelle la prohibition toucherait la totalité des œuvres à venir et des droits patrimoniaux de l’auteur. Quid de la jurisprudence ? Il a été admis de manière générale que « la prévision d'une cession automatique de droits de propriété littéraire et artistique au fur et à mesure d'éventuels travaux n'est pas constitutive de la cession globale d'œuvres futures » (CA Lyon, 28 nov. 1991). La rare jurisprudence en la matière laisse à penser que les clauses de cession anticipée sont valables dès lors que les œuvres sont au moins déterminables et que les conditions de l'article L131-3 CPI sont respectées.

Plus exactement, ce que le droit d'auteur prohibe c’est la cession de droits sur l’ensemble de la production à venir de l’auteur ou sur une partie de sa production à venir non individualisée, production dont lui-même n’a pas encore l’idée. Indépendamment de sa prohibition par le Code de la propriété intellectuelle, cela s’apparenterait à un engagement perpétuel défendu par l’article 1210 du Code civil. Par conséquent, un contrat conclu par un auteur ne saurait être illimité, pas plus que le créateur ne saurait céder toutes ses oeuvres « à venir ». Le fondement de cette exclusion est clair: cela serait trop favorable à l’exploitant qui, « sentant la bonne affaire », se ferait céder pour un prix dérisoire l’ensemble des droits d’un auteur encore peu coté mais dont le succès pourrait aller par la suite grandissant.


II) La qualification d'oeuvre collective ou la privation des droits du salarié sur sa création

    A) 
L'employeur investi des droits ab initio par la qualification d'oeuvre collective

La question de la création salariée se pose chaque fois qu'un salarié est auteur d'une œuvre de l'esprit dans le cours de l'exécution de son contrat de travail, le plus souvent après avoir été licencié. Il incombera alors au salarié qui se prétend investi des droits d’auteur de rapporter la preuve d'une création déterminée à une date certaine. L'absence d'originalité de la création du salarié peut faire obstacle à la protection conférée par le droit d’auteur: il lui appartient de démontrer en quoi l'œuvre revendiquée porte l'empreinte de sa personnalité.

La preuve est rendue d’autant plus difficile que la Cour de cassation considère que la subordination du salarié peut être un obstacle à l’originalité de l’œuvre. En ce sens il a été jugé que la salariée qui ne définit pas les choix esthétiques de l'entreprise et n'a pas de liberté de création ne dispose d'aucun droit sur les œuvres commercialisées par son employeur (Cass. soc.,  22 sept. 2015, Lalique). Dans ce dernier arrêt, une styliste a été nommée directrice artistique au sein de la société Lalique, spécialisée dans la création, fabrication et vente de pièces en cristal parmi lesquelles des flacons de parfums commercialisés par la société Lalique parfums. Le contrat de travail est rompu et elle saisit le TGI d’une action en contrefaçon des droits d’auteur dont elle prétend être titulaire sur divers objets commercialisés par les société Lalique. La Cour de cassation considère que la directrice artistique licenciée ne définissait pas les choix esthétiques de l’entreprise pas plus qu’elle ne jouissait d’une liberté de création. Pour arriver à cette conclusion, les juges s’appuient sur plusieurs éléments de fait accréditant l’absence de titularité des droits, parmi lesquels : 
« l’initiative des recherches de nouveaux produits reposait sur le président de la société (...) une autre salariée dessinait les pièces maîtresses des collections et en fixait les thèmes à partir de ses carnets de voyages dont le bureau de création s'inspirait pour compléter les collections (...) chaque dessin et chaque maquette étaient soumis à l'approbation de cette personne et du président (...) la directrice artistique recevait des instructions esthétiques et devait soumettre à l'agence tous ses dessins ainsi que ceux des autres membres de l’équipe (...) enfin, les oeuvres litigieuses sont des modèles en trois dimensions conçus par plusieurs collaborateurs avec la participation de divers corps de métier dont l'intervention ne relève pas de la simple exécution... ».


En d’autres termes, le 
droit d'auteur comme reposant exclusivement sur la tête de la directrice artistique se heurtait ici à l'obstacle de l'oeuvre collective. Les employeurs ont parfois tendance à « s’abriter » derrière cette qualification d’oeuvres collectives. En effet, l’article L113-2 alinéa 3 du CPI dispose: « Est dite collective l'œuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé. »


Tous les auteurs de traités sur la propriété intellectuelle s’accordent pour dénoncer le caractère « alambiqué » ou  « imprécis » de cette définition. En effet, dès son origine en 1957, pour certains auteurs comme Henri DESBOIS, cette notion est considérée comme une anomalie, puisqu’il ne peut concevoir l’œuvre, traduction de la personnalité de son auteur, créée par une personne morale. Aussi, le professeur CARON s’insurgeait: « Je n'ai jamais vu une société en nom collectif peindre un tableau ou une association reconnue d’utilité publique écrire un roman ».

Outre le caractère vague de cette disposition, on lui reproche aussi d'être ultra-favorable à l’employeur puisqu’elle
lui permet d'être investi à titre originaire des droits d'auteur portant sur des créations de salariés. Etendre cette qualification qui devrait rester exceptionnelle n'est donc sans doute pas la meilleure solution.  D'autant plus que la présomption de titularité de l'entreprise exploitante permet aujourd’hui — on y reviendra — de se passer de toute qualification de l'œuvre.

Il n'en demeure pas moins que dans le cadre de litiges sur des créations de salariés, les parties sont souvent en désaccord sur la question de savoir s'il s'agit d'une œuvre individuelle, qui est la propriété exclusive du salarié en l'absence de cession de droit, ou une œuvre collective dont les droits appartiennent ab initio à l'employeur. En voici quelques illustrations jurisprudentielles :

Concernant le design d'une lampe, la Cour d'appel de Paris en 2018 a retenu qu'il s'agissait d'une œuvre individuelle de la salariée en ce qu'elle avait été divulguée sous le nom de celle-ci en sa qualité de designer et que de nombreux documents, dont certains émanant de l'employeur (communiqué de presse, annonce des expositions, listes de prix, échanges d'e-mails) créditaient la salariée comme l'auteur de la lampe. Par, conséquent, l’employeur ne disposait pas de droits sur cette œuvre (CA Paris, 18 mai 2018, n° 17/09176).

Dans le domaine du design, il a été ainsi jugé qu'un bijou était une œuvre collective dès lors qu'il avait été créé à l'initiative d'une société par son service « designers » (CA Paris, 4e ch., 19 nov. 1991). 


La qualification d’œuvre collective est cependant refusée lorsqu’un dessinateur n’a reçu aucune directive (CA Paris, 25 sept. 1987
). Idem pour un maquettiste qui n'a reçu aucune instruction pour élaborer sa maquette (CA Paris, 4e ch. 14 mai 1997). Toutefois, un parc d'attraction conçu par des architectes a été considéré comme une œuvre collective parce que l'exploitant, personne morale a eu « un rôle moteur d’initiative » (TGI Senlis, 3 juin 2003)



    B) L'utilité réduite de la qualification d'oeuvre collective dans le monde salarial


                1. Oeuvres de collaboration ou oeuvre collective? 

En réalité, l’oeuvre de collaboration est le principe, et l’oeuvre collective l’exception.

L’oeuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs: ils exercent leurs droits d’un commun accord. La difficulté réside dans le fait qu’on ne puisse plus distinguer les apports. Dans beaucoup d’oeuvres collectives, et notamment dans la mode, en cas de fusion matérielle des apports, c’est à dire, des tissus, des coutures, etc, on ne peut plus distinguer les apport de chacun des designers.


Il convient également de distinguer entre le donneur d’ordres et l’exécutant, ce qui résulte d’une célèbre jurisprudence opposant Richard GUINO à Auguste RENOIR.

Renoir, à la fin de sa vie, se remet à la sculpture. Cependant, il est atteint d’une maladie grave qui l’empêche de façonner et sculpter lui-même ses oeuvres. C’est pourquoi il se fait aider par Guino, artiste de son atelier. Les oeuvres sont signées Renoir. Guino revendique le statut de co-auteur, qui lui est accordé par la Cour de cassation qui estime que Renoir a été un peu plus qu’un inspirateur car il a donné les consignes créatives; et Guino est plus qu’un simple exécutant car, en façonnant, il a mis de sa personnalité dans les oeuvres.
 Il s’agit donc d’une oeuvre de collaboration, définie à l’article L113-2 du Code de la propriété intellectuelle: « Est dite de collaboration l'oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. »  Cette jurisprudence est-elle applicable à la mode où les directives artistiques émanent souvent d'un directeur artistique à destination des couturiers-exécutants ?

Dans un arrêt très récent de la Cour d’appel de Paris rendu le 5 mars 2021, dont les faits ne sont pas sans faire penser à ceux de l’arrêt Lalique, s’est à nouveau posée la question de la titularité des droits d’auteur du directeur artistique de la marque Comptoir des Cotonniers sur une paire de baskets. Après que son contrat de travail de « styliste rattaché à la direction du style pour les accessoires », l’ex-salarié revendiquait avoir créé seul une paire de baskets dénommée Slash, leur sac d’emballage et une semelle léopard pour la collection Comptoir des Cotonniers de printemps-été 2015. Il demandait alors l’interdiction d‘exploitation de ces produits par l’employeur. Le salarié prétendait être le seul styliste de la société en charge des accessoires, ce qui justifierait sa qualité d’auteur des créations concernées. Or, l’examen des faits par la Cour montre le caractère collectif des choix et décisions faits tout au long de l’élaboration des baskets.

« si M. X est chargé d’insuffler une 'inspiration', de 'nourrir une vision’ , de 'concevoir, dessiner et développer les lignes de sacs, de souliers', c’est, ainsi qu’il est précisé dans son contrat de travail, au sein d’une 'équipe créative’ appelée à 'construire’ le style Comptoir des Cotonniers, et sous la direction et le contrôle de la 'directrice du style', à laquelle 'il est rattaché’ et qui assume la responsabilité du management de l’équipe de style ainsi que la responsabilité stylistique pour le prêt-à-porter et les accessoires. »


 « L’attestation de MmeY confirme à cet égard que ‘cela se passe toujours ainsi dans l’industrie de la mode: le directeur artistique est là pour impulser les collections avec son ADN et la mise en valeur de son style, les équipes de designers sont là pour exécuter les modèles dans le respect du style du directeur artistique et de ses instructions créatives’ »

« Concernant la basket Slash en particulier, MmeY précise dans son attestation ‘il y a eu pour cette basket des échanges verbaux entre D et moi, des réunions de travail, pour ensuite passer à la fabrication du prototype. Une fois que j’ai donné mon feu vert pour lancer cette fabrication, les équipes de production se sont mises à travailler sur le patronage de ce qui allait devenir la Slash’, ajoutant pour conclure, ‘je peux dire en toute conscience que D X a dessiné cette basket sous ma direction artistique et mes indications propres, reflet de mon travail depuis plus de 10 années. Si je n’avais pas occupé ces fonctions là, il me semble en toute honnêteté que la Slash n’aurait sans doute pas existé’. »


Au vu d’autres attestations également, la Cour constate que la basket Slash résultait d’un travail de "collaboration" de toute l'équipe sous la subordination de la directrice de style. Le salarié est donc débouté de ses demandes: la basket appartient à la société Comptoir des Cotonniers. Le terme "collaboration" est donc maladroitement utilisé par la Cour d'appel, puisqu'elle conclue en fait à la qualification d'oeuvre collective. 

On le voit donc à travers la jurisprudence: le juge s’attarde le plus souvent sur l'initiative et la coordination qui sont donc liées à la notion de direction 
afin qu’il ne soit pas porté atteinte aux intérêts de l’employeur. 



            2. La conservation du droit moral par le salarié

L'auteur salarié conserve son droit moral, inaliénable, mais un aménagement contractuel de son exercice peut être envisagé.

Comme il a été dit, l'existence ou la conclusion d'un contrat de travail n'emporte pas dérogation à la jouissance du droit de l’auteur. Il est donc logique que l'auteur salarié soit titulaire des prérogatives morales reconnues par la loi, à savoir  le droit de divulgation, le droit au respect de son nom et de son œuvre et enfin, le droit de retrait et de repentir.

Le droit moral étant, aux termes de l'article L121-1 du Code de la propriété intellectuelle « perpétuel, inaliénable et imprescriptible », cela peut constituer un obstacle au pouvoir de gestion de l'employeur, sans pour autant être une cause de licenciement ! 

Il existe toutefois un cas où l'employeur peut être à même de retrouve son pouvoir de sanction. Il s'agit du cas où l’exercice du droit moral par le salarié dégénèrerait en abus ou qu'il ne serait pas fondé. L'affaire Chiavarino du 14 mai 1991 en témoigne:  il est jugé que l’auteur d’une bande dessinée commet un abus de droit dès lors qu’il invoque son droit de retrait pour sortir d’un contrat défavorable qui lui alloue une rémunération très faible. Selon la Cour de cassation, seuls des motifs intellectuels peuvent justifier le jeu du droit de repentir et de retrait mais non des motifs pécuniaires. On le voit, l’abus de droit moral est caractérisé dès lors que l'auteur entend le mettre en oeuvre avec la simple intention de nuire à autrui.

Cependant, il existe la possibilité d’un aménagement contractuel, car s
i le droit moral ne peut lui être transféré, l'employeur peut être tenté d'obtenir du salarié qu'il renonce à son exercice. Par principe, la renonciation n’est pas envisageable car le droit de divulgation constitue l'expression de l'achèvement de l'œuvre et seul l'auteur peut en décider (CPI, art. L. 121-2). Toutefois, la création salariée est particulière puisque le salarié a été embauché pour créer et, par son contrat de travail, il s'est engagé à livrer ses œuvres, dans le but pour l'employeur d'en mener l'exploitation conformément aux droits patrimoniaux qui ont été cédés. Ainsi, le droit de divulgation est, en quelque sorte, lié à l'obligation principale du salarié et au rapport d'engagement avec son employeur. (P. Gaudrat, JCl. Propriété littéraire et artistique, fasc. 1211)


            3. 
La présomption jurisprudentielle de titularité de l'oeuvre au bénéfice de la personne morale (jurisprudence Aréo)

La personne morale éprouve souvent des difficultés à prouver qu’elle est bien titulaire des droits (salarié qui ne lui a pas formellement cédé les droits ; longues chaînes de cessions successives parfois anciennes et parfois à l’étranger, etc) afin d’agir en contrefaçon, ce qui ferait le jeu des contrefacteurs. C’est pourquoi la jurisprudence a crée une présomption de titularité : la personne morale qui exploite paisiblement sous son nom une œuvre est présumée être détentrice des droits qu’elle invoque, en l’absence de revendication de la part des auteurs de l’œuvre. Cette présomption est extrêmement difficile à renverser. Ce système prétorien né de l’arrêt Aréo (Cass, 1ère, 24 mars 1993) est là pour permettre une meilleure protection contre la contrefaçon. Bien qu’elle serve principalement aux personnes morales, elle vaut également en faveur des personnes physiques.

Cette présomption jurisprudentielle de titularité ne doit cependant pas être confondue avec la présomption légale de titularité, codifiée à l’article L. 113-3 du Code de la propriété intellectuelle. Celle-ci prévoit que la qualité d'auteur appartient à celui sous le nom duquel l’oeuvre est divulguée, ce qui n'arrivera presque jamais dans les cas de la création salariale laquelle sera en tout état de cause divulguée sous le nom de l'entreprise. 



A.S.R



Crédit: Dior on Pinterest (https://pin.it/73Q3Tw6)

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